Amis des arts et de la culture de Palestine

Compte-rendu de voyage

Jean-Claude Ponsin revient d’un court séjour en Palestine, quelques jours avant les élections. Il nous livre ici le compte rendu de son voyage :

" Le résultat des élections était prévisible pour qui connaît un peu la société palestinienne, tant y est grand le rejet à la fois de la colonisation israélienne et de l’Autorité palestinienne, corrompue, impuissante et soupçonnée ces derniers temps de collaboration avec l’ennemi. Le vote Hamas n’est pas d’abord un vote islamiste, il est surtout l’expression d’une colère profonde. Il est aussi l’expression d’une volonté de résistance, qui ne désarme pas malgré la lassitude (l’islam est aussi une expression d’identité et de résistance).

Je ne veux pas commenter davantage un événement qui fait la une des quotidiens : cette résistance que nous soutenons à travers Al-Rowwad et maintenant Darna est bien vivante, elle s’exprime de multiples façons : désir d’instruction, volonté de construction (on construit partout en Palestine !), aspiration à la culture que nous retrouvons - et soutenons - à tous les moments de notre activité solidaire.

A Aida, les enfants préparent la tournée en France en répétant avec enthousiasme la pièce qu’ils présenteront cet été : Nous sommes les enfants du camp, qui sera profondément remaniée pour tenir compte de l’expérience des représentations passées, en France et aux USA et surtout des changements importants survenus en Palestine depuis le déclenchement de la deuxième Intifada, en 2000.

Les autres activités continuent, en particulier l’apprentissage du français grâce à une bénévole belge, Myriam, qui vient régulièrement passer trois mois dans le camp.

Les bénévoles jouent un rôle important à Aida : pendant mon séjour ce sont deux musiciens italiens d’Al Kamanjati qui donnaient chaque jour des leçons de violon. Les quatre anciens élèves fréquentent maintenant le conservatoire de Bethléem et six autres enfants apprenaient ces jours-ci a tenir un violon et un archet.
Les enfants sont toujours a l’étroit car le nouveau centre n’est pas encore fonctionnel. Le gros-œuvre des deux premiers niveaux est termine. Il faut encore faire les aménagement intérieurs et apporter le mobilier. Ca traîne un peu par manque de disponibilités financières, mais ces deux niveaux seront termines (et inaugurés) en avril.

J’ai visité les quatre familles de prisonniers parrainées par l’association Solidarité Palestine 18 du dix-huitième arrondissement de Paris et leur ai remis des sommes d’argent modestes (de 100 a 200 euros par famille). Des échanges réguliers existent entre les militants parisiens et les familles, par lettre et téléphone.
J’ai remis a Amal, une jeune étudiante en Droit, les 1.200 euros recueillis en France, pour parrainer ses études, par deux groupes d’amis d’Al-Rowwad.

Darna (Naplouse)

Je me suis rendu a Naplouse avec Abdelfattah, qui a enfin obtenu une nouvelle carte d’identité lui permettant de se déplacer a Jérusalem et dans le territoires occupés.

Nous avons parcouru cette ville extraordinaire, belle et vivante malgré les visites nocturnes des « cousins » qui continuent à l’harceler.

Nous avons en particulier rencontré Naseer Arafat, architecte dont la famille a fait donation de ses maisons au centre de la vieille ville, qui serviront, après réhabilitation, de lieu de mémoire et d’exposition culturelle. Naseer a récupéré les portes des (nombreuses) maisons détruites par l’armée israélienne et demande aux enfants et adolescents de les peindre. Certains les ont commenté : « Mon dessin exprime la liberté, le soleil qui signifie la vie, les arbres te les roses, qui traduisent la générosité ».

Mais l’objet de notre visite était autre : Abdelfattah devait rencontrer Youssef, qui dirige Darna, maison des associations de Naplouse, pour s’entendre sur le projet de tournée en France.
La rencontre a été excellente et l’entente entre les deux dirigeants d’Al Rowwad et de Darna, a dépassé mes espérances. Nous avons été ensemble visiter le directeur de l’association de musique, qui forme une centaine de jeunes sur des instruments varies : piano, orgue, violon, oud (luth), batterie et quelques instruments a vent. Lui-même et quatre ou cinq jeunes viendront en France avec les enfants d’Aida et joueront violon, oud et orgue (clavier relie a un orgue électronique), en prélude a la pièce de théâtre.
Les habitants de Naplouse sont considérés comme des « terroristes » par l’armée israélienne et je crois qu’il sera très symbolique de les présenter jouant du violon, comme les enfants des ghettos juifs de Pologne.
Autrement dit, je pense que cette tournée, si nous savons en faire la promotion, sera un très grand succès, plus encore que la tournée 2003.

Nous avons quitté Naplouse à regret, après avoir remis un peu d’argent a Youssef, de la part d’une militante française, pour un jeune qui vient de sortir de prison et veut continuer ses études.

Haifa

Les « Arabes israéliens », comme les appelle la presse israélienne, c’est-à-dire les Palestiniens restés en Israël en 1948, ont acquis la nationalité israélienne. Chacun sait qu’ils sont des citoyens de deuxième zone, mais bien peu savent comment se manifeste cette discrimination : nous allons tenter de le montrer dans une série d’articles qui paraîtront sur notre site.

La visite à Haifa avait pour but d’établir un contact direct avec eux, par l’intermédiaire d’un collectif qui regroupe plusieurs associations palestiniennes d’Israël (Ittijah) et par un dialogue avec des associations culturelles a cheval sur les deux communautés, comme Nemashim, qui veut établir des ponts entre les jeunes juifs et arabes grâce au théâtre.

J’ai rencontre des gens qui vivent ensemble depuis plusieurs générations et rejettent le racisme qui tente de les diviser. Leur combat est loin d’être gagné car l’Etat d’Israël exerce une forte pression discriminatoire sur la population palestinienne au moyen de lois et décrets (nous verrons comment dans les prochaines publications du site) mais aussi par ses corps répressifs, police et armée : chacun se souvient des 12 morts palestiniens de Nazareth en 2000. Quand j’étais sur place, la police a exécuté sans état d’âme un Palestinien de nationalité israélienne de Galilée, accusé de détenir une arme de poing (alors que les colons se promènent dans la ville d’Hébron et à Jérusalem même avec des armes de guerre).

J’ai trouvé à Haifa une ville calme, sans manifestation apparente de haine raciale, au contraire de Jérusalem. Il ne faut pas en tirer de conclusion hâtive : Sétif était calme avant l’insurrection et la répression du 8 mai 1945. Mais il est vrai aussi que les Arabes d’Algérie n’avaient pas la nationalité française !

Cette première visite sera suivie d’autres et de la réception à Paris de responsables des associations visitées.



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