Comédien et metteur en scène, directeur artistique de l’association Sin, Emilien Urbach est l’invité de la semaine pour la tribune libre de L’HUMANITE du 24 au 28 octobre 2007.
À l’entrée de Bethléem et de Ramallah, les check-points israéliens constitués, il y a à peine deux ans, de fils barbelés, de tôles et de morceaux de béton anarchiquement disposés, laissent place, aujourd’hui, à de grands bâtiments gris par lesquels les Palestiniens sont obligés de transiter pour passer d’une ville à l’autre. Portiques en fer, bornes biométriques et murs blancs sont devenus leur lot quotidien. La guerre se travestit. À Ramallah et Bethléem devenus ghettos, plus de chars d’assaut dans les rues, plus de sniper planqué, mais un mur, des bus pour Arabes et d’autres pour Israéliens, des voies d’accès pour touristes et d’autres pour Arabes. « Apartheid » n’est plus un mot trop fort à employer pour attirer le regard d’âmes humanistes sur une situation inacceptable. C’est un fait. En 2002, lors du premier déplacement de Sîn en Cisjordanie, nous subissions les couvre-feux, les incursions militaires et les tirs de M16. Tout cela était tellement visible que colère et indignation venaient nous serrer la gorge de façon irrésistible. Aujourd’hui, dans Bethléem et Ramallah emmurées, tout semble apaisé, comme si la vie avait repris un déroulement normal. Les commerces ouvrent de nouveau. Le soir, il n’est pas difficile de trouver un bar ouvert. Ça ressemble à la paix mais en fait nous parlons de prisons à ciel ouvert.
Je travaille actuellement à la mise en scène du Crime du XXIe siècle, d’Edward Bond. Dans cette pièce, l’auteur donne une vision de notre futur si nous ne parvenons pas à résoudre les conflits auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés : « L’espèce humaine mourut. Et donc des prisons furent construites. Puis les maisons détruites - pas par colère mais parce qu’elles gênaient le déploiement des prisons. Les administrations administraient nulle part et les gens étaient encombrants pour l’administration - et gênants pour l’armée… » Dans un article écrit pour le Monde diplomatique, il ajoute : « Une chose peut nous sauver : nous sommes nés enfants. L’enfant cherche à se sentir chez lui dans le monde : c’est son innocence radicale. Ce n’est pas une innocence passive mais prométhéenne. Nous héritons de l’enfant notre besoin de justice… ».
À demain.