Amis des arts et de la culture de Palestine

Que faisons-nous pendant un génocide ?

Que faisons-nous à la veille d’un massacre, vivant au cœur de L’Empire alors qu’un silence lugubre s’abat sur Gaza ? Que faisons-nous après avoir envoyé de l’amour et des pensées et des vœux et des prières et de l’amour ? Que faisons-nous ?

Est-ce que nous nous figeons médusés par l’angoisse est-ce que nous nous recroquevillons dans les lits que nous occupons au cœur de L’Empire, est-ce que nous regardons en boucle des séries en streaming ? est-ce que nous faisons la vaisselle aimons plus fort aimons plus légèrement faisons plus de café dans la cuisine au cœur de L’Empire, incapables de dormir est-ce que nous mangeons incapables d’avaler au cœur de L’Empire ? Que faisons-nous de nos coudes, nos aiguilles des minutes tournant de plus en plus lentement ?

Que faisons-nous alors que le massacre commence que sourd la tonalité sourde et insupportable de la réception de message après message du cousin après cousin que nous avons connu gamin tué et tué et tué au cours d’un génocide nous vivant au cœur de L’Empire qui finance le génocide que faisons-nous de nos poignets ?

Est-ce que nous faisons la lessive est-ce que nous arrosons nos philodendrons en forme de cœur inspir expir pendant un génocide ? Que faisons-nous de nos miches de pain de nos déclarations d’impôts que faisons-nous de notre peau ?

Par une nuit de chair calcinée à Gaza alors que les forces israéliennes réduisent des familles entières à néant alors que l’État présent d’Israël bombarde des hôpitaux bombarde des églises assassine des journalistes bombarde des écoles bombarde des boulangeries alors que les tergiversations sur la question de savoir si Israël-a / n’a-pas-bombardé-l’hôpital vont bon train nous vivant au cœur de L’Empire qui finance le génocide que faisons-nous ?

Est-ce que nous expliquons à nos voisins encore et encore et encore et encore et encore et encore et encore et encore et encore et encore et encore que les Palestiniens sont des êtres humains, est-ce que nous supplions nos collègues de concevoir que les Palestiniens sont des êtres humains, que la solidarité avec les Palestiniens ce n’est pas génocidaire, que les Palestiniens queer sont également tués par l’État présent d’Israël, que les Palestiniens soient libres du fleuve à la mer ce n’est pas génocidaire, que l’égalité des droits de l’homme pour les êtres humains ce n’est pas génocidaire, que le droit au retour ce n’est pas génocidaire que qualifier la dissidence contre l’État présent d’Israël d’antisémite EST de l’antisémitisme que qualifier Gaza de camp de concentration serait ce que toute personne décédée dans un camp de concentration de l’Holocauste souhaiterait nous entendre dire parce que « Plus jamais ça » s’adresse à tout le monde ?

Vivant au cœur de L’Empire pendant un génocide, que faisons-nous ? Est-ce que nous voyageons dans le temps pour rendre visite aux quelques humains encore présents sur une Terre surchauffée dans leurs bunkers de terre à l’extrémité de la ligne temporelle de notre planète pour leur dire que nous avons échoué que la violence ne peut jamais apporter une véritable libération que tirer sur une rave-party ne peut pas apporter la libération que prendre des otages ne peut pas libérer pas plus que le génocide n’apporte la paix pas plus que l’apartheid n’apporte la paix ? Vivant à l’extrémité de la ligne temporelle de notre planète ils savent que nous avons échoué

Lors d’un génocide, nous entrons en dissidence de manière Non violente nous entrons en dissidence Lors d’un massacre nous entrons en dissidence

Face à un transfert de population nous entrons en dissidence Face à un déplacement forcé nous entrons en dissidence Face au colonialisme nous entrons en dissidence Face au racisme nous entrons en dissidence Face à l’Holocauste nous entrons en dissidence Face à l’internement nous entrons en dissidence Face à l’occupation nous entrons en dissidence Face à la guerre nous entrons en dissidence

Face à l’Apartheid nous entrons en dissidence nous BOYCOTTONS nous entrons en dissidence nous DESINVESTISSONS nous entrons en dissidence nous SANCTIONNONS nous entrons en dissidence Parce que nous sommes humains et que les Palestiniens sont humains et que les Israéliens sont humains nous entrons en dissidence Nous AIMONS nous entrons en dissidence Nous AIMONS nous entrons en dissidence Nous AIMONS nous entrons en dissidence

Nous vivant au cœur de L’Empire de manière non-violente et avec amour de toutes les manières possibles nous entrons en dissidence nous votons nous entrons en dissidence nous manifestons encore nous pétitionnons encore avec nos doigts tapotant sur nos claviers nous entrons en dissidence avec nos applications en ligne nous entrons en dissidence avec nos poumons bruyants, avec nos impôts, avec nos portefeuilles, avec nos pieds nous entrons en dissidence nous entrons en dissidence nous entrons en dissidence nous entrons en dissidence nous ENTRONS EN DISSIDENCE NOUS ENTRONS EN DISSIDENCE NOUS ENTRONS EN DISSIDENCE NOUS ENTRONS EN DISSIDENCE NOUS ENTRONS EN DISSIDENCE NOUS

Arablit, 25 novembre 2023

Poème par Mohja Kahf
Mohja Kahf est syrienne. Elle a publié un roman et trois recueils de poésie, le dernier étant « My Lover Feeds Me Grapefruit ». Certains de ses écrits sont disponibles en ourdou, portugais, turc, japonais, italien, allemand et français. Elle est membre fondatrice du Radius of Arab American Writers et lauréate d’un prix Pushcart pour son essai "The Caul of Inshallah".
Mohja Kahf est professeure de littérature comparée et d’études moyen-orientales à l’université de l’Arkansas depuis 1995. Elle vit sur les terres des amérindiens Osages sur lesquelles les Cherokees ont été déplacés de force.

Traduction : JCP



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