Voilà des années que j’entends des responsables de l’UE « justifier » leur approbation des subventions de recherche accordées à Israël en faisant remarquer que les Arabes eux aussi reçoivent de telles subventions. Des données contenues dans le document interne – voir en bas de l’article– démontrent que de telles tentatives de justification sont trompeuses. En comparaison avec Israël, la somme que les Palestiniens obtiennent sur le budget scientifique de l’UE est une broutille.”
Mariya Gabriel et d’autres responsables de l’UE « justifient » leur approbation des subventions de recherche accordées à Israël en faisant remarquer que les Arabes eux aussi reçoivent de telles subventions
Mariya Gabriel, la commissaire de l’UE à la science, induit les gens en erreur en prétendant que son travail profite aux Palestiniens. (Photo : Commission européenne)
Aucun funambule n’a jamais autant conservé son équilibre qu’un ou une responsable de l’Union européenne œuvrant autour du « processus de paix » au Moyen-Orient.
Déterminés à déboucher sur une nouvelle ère de prospérité et de stabilité, ces fonctionnaires sont amis aussi bien des Israéliens que des Palestiniens. La pensée de choisir leur camp ne leur viendrait jamais à l’esprit.
Du moins est-ce ce qu’ils voudraient nous faire croire.
Après une petite analyse, il apparaît que les allégations concernant l’équilibre sont de pures balivernes.
Un producteur particulièrement prolixe de ce genre de balivernes n’est autre que Sven Koopmans, l’envoyé de l’UE au Moyen-Orient.
L’homme ne cesse d’avoir des discussions « productives » sur la « relance » du « processus de paix ».
Une discussion qu’il a tenue plus tôt cette année se concentrait sur la « diplomatie de la science » et il se demandait si cette dernière pouvait être utilisée comme « un instrument de pouvoir doux ».
J’ai obtenu un document interne qui s’appuyait sur cette discussion, suite à une requête introduite au nom de la liberté d’information.
En dépit d’avoir été censuré par la Commission européenne (l’exécutif de l’UE), il met à mal le mythe – sans aucun doute par inadvertance – qui prétend que Bruxelles est un parangon d’équilibre.
Voilà des années que j’entends des responsables de l’UE « justifier » leur approbation des subventions de recherche accordées à Israël en faisant remarquer que les Arabes eux aussi reçoivent de telles subventions.
Des données contenues dans le document interne – voir ci-dessous – démontrent que de telles tentatives de justification sont trompeuses.
En comparaison avec Israël, la somme que les Palestiniens obtiennent sur le budget scientifique de l’UE est une broutille.
En tout, les Palestiniens n’ont reçu que 333 000 USD de financement européen, dans le cadre d’Horizon 2020, un programme scientifique qui allait de 2014 à 2020.
Combien Israël a-t-il obtenu, sous le même programme ? Plus de 1,3 milliard de USD.
Alors que les Palestiniens reçoivent aujourd’hui moins encore que ce qu’ils ont reçu sous un précédent programme de l’UE, Israël, de son côté, obtient davantage encore.
Faire ressortir le meilleur ?
Le 1,3 milliard de USD qu’Israël a reçus sous Horizon 2020 représente une augmentation substantielle par rapport aux quelque 950 millions de USD qu’il avait retirés du précédent programme de recherche de l’UE, entre 2007 et 2013.
Le document interne a été préparé par Mariya Gabriel, la commissaire de l’UE à la recherche scientifique, qui a participé à la discussion mentionnée plus haut à propos de la « diplomatie de la science », à laquelle participait également Koopmans.
Alors que les données montrent clairement que l’UE jette de l’argent à l’agresseur – Israël –, le document cherche à décrire Bruxelles sous un jour bienveillant.
Les initiatives de recherche de l’UE, dit-il,
« ont favorisé une recherche plus fouillée, l’éducation et la coopération culturelle au Moyen-Orient, contribuant de la sorte à faire progresser la paix et les dialogues de normalisation ».
« La science peut faire ressortir ce qu’il y a de meilleur dans la coopération humaine »,
ajoute le document.
En essayant d’illustrer ce point le document montre en fait comment la science financée par l’UE peut bénéficier à certains des pires violateurs des droits humains.
Mekorot est la principale compagnie des eaux en Israël. En violation flagrante des lois internationales, la firme vole l’eau des Palestiniens et la détourne vers les colonies israéliennes en Cisjordanie occupée.
Le document se vante néanmoins de la façon dont Mekorot et l’Autorité palestinienne ont « coopéré efficacement » dans un projet énergétique financé par l’UE. Obtenir de l’AP qu’elle entre en partenariat avec un voleur d’eau israélien est manifestement considéré comme une histoire à succès, à Bruxelles.
En parlant de partenaires, le document met le doigt sur la « collaboration » dans « les initiatives concernant la science novatrice et la diplomatie de l’innovation » entre les diplomates de l’UE à Tel-Aviv et Start-Up Nation Central [« une organisation non marchande qui relie l’innovation israélienne au monde afin d’aider les entités internationales à résoudre les défis mondiaux », peut-on lire sur son site. NdT].
Le document omet de faire remarquer que Start-Up Nation Central – qui se veut une organisation « alimentant la croissance dans les affaires » – fait partie, à toutes fins utiles, de la machine de guerre israélienne. Avi Hasson, le CEO de l’organisation, est un diplômé d’Unit 8200, la division de l’armée israélienne spécialisée dans la guerre cybernétique.
L’oppression en tant que marchandise
L’éthique de Hasson et de ses collègues est décrite dans un ouvrage intitulé Start-Up Nation. On y prétend que l’armée israélienne favorise une culture de l’entreprenariat.
C’est la même armée qui soumet les Palestiniens de jour en jour et, de plus, ses armes ainsi que son matériel d’espionnage se sont avérés des exportations lucratives pour Israël. En d’autres termes, Israël a transformé l’oppression en une marchandise commercialisable.
Un rapport publié récemment par la Coordination européenne des comités et associations pour la Palestine (ECCP) souligne la façon dont la bureaucratie bruxelloise ne cesse d’approuver des subventions scientifiques à des firmes et institutions israéliennes qui sont « profondément impliquées dans des violations des droits humains et des lois internationales ».
Le rapport examine Horizon Europe, le tout dernier programme de recherche de l’UE.
Parmi les firmes israéliennes qui se sont vu allouer un financement dans le cadre de ce programme figure Sightec. Elle fournit des analyses par drone à la police israélienne – une force cantonnée à Jérusalem-Est occupée et qui dispose d’un réseau de stations étendu à toute la Cisjordanie.
La police israélienne a un long et infâme palmarès d’exécutions extrajudiciaires et de torture, y compris d’enfants, fait remarquer l’ECCP dans son rapport.
Le rapport souligne la façon dont des firmes directement complices des crimes israéliens ont reçu des sommes d’argent plus que rondelettes de l’UE. Par exemple, IBM Israël a absorbé jusqu’à présent plus de 5,6 millions de USD de subventions dans le cadre d’Horizon Europe.
IBM Israël gère la banque de données du registre de population de l’État. Le registre est l’un des outils les plus importants dans l’administration d’un système d’apartheid.
En se servant du registre, Israël prend des décisions dans des domaines tels que la question de savoir si les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza peuvent ou ne peuvent pas se déplacer pour des traitements médicaux. Le registre, par conséquent, aide Israël à décider lesquels des Palestiniens – qui, tous, sont traités comme étant inférieurs aux juifs – peuvent vivre et lesquels peuvent mourir.
Les responsables de l’Union européenne ne peuvent plaider l’ignorance. On leur a dit et répété à satiété que les subventions à la recherche approuvées à Bruxelles allaient à des firmes et institutions qui contribuaient à opprimer les Palestiniens.
À leur grande honte, Sven Koopmans et Mariya Gabriel n’admettront même pas qu’il y a là un problème. Comme des robots, ils débitent des platitudes sur la façon dont la science peut apporter ce qu’il y a de meilleur aux gens – même quand elle fait exactement le contraire.
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David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et Europe’s Alliance With Israel : Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”.
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow : A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).
Il a écrit de nombreux articles pour de nombreuses publications, dont The Guardian, The Wall Street Journal Europe, European Voice, the Inter Press Service, The Irish Times and The Sunday Tribune. En tant qu’activiste politique, il a tenté d’appliquer un état d’ “arrestation citoyenne” à Tony Blair et Avigdor Lieberman pour crimes contre l’humanité.
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Publié le 27 avril sur 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine