Introduction
Israël commet à Gaza l’un des massacres les plus odieux de l’histoire mondiale des médias, avec la volonté d’étouffer la vérité en s’en prenant directement aux témoins qui documentent ces crimes, à savoir les journalistes.
Nasser Abu Bakr, président du Syndicat des journalistes palestinien-nes, déclare : « Les crimes systématiques contre les journalistes vont de l’assassinat de ceux qui témoignent de la vérité à l’emprisonnement et à l’intimidation. Plus grave encore, leurs maisons ont été détruites, leurs familles tuées et leurs organismes de presse pris pour cible ». Il ajoute : « Il s’agit d’une véritable guerre contre les médias palestinien-nes, Gaza étant le théâtre du massacre le plus atroce jamais vu dans l’histoire du journalisme mondial. »
Depuis le début de la guerre israélienne en cours contre Gaza, le Syndicat des journalistes palestinien-nes a recensé l’assassinat de 167 journalistes, tandis que deux d’entre elles et eux sont toujours porté-es disparu-es suite à des détentions forcées. Plus de 190 journalistes ont été gravement blessés.
Des statistiques accablantes : Plus de 10 % des journalistes de Gaza tué-es par l’occupation
Abu Bakr décrit la guerre israélienne contre les journalistes palestiniens comme une » guerre génocidaire contre les médias, les journalistes et leurs institutions « . Au cours des onze derniers mois, la machine militaire israélienne a systématiquement exécuté des journalistes dans le cadre d’une campagne continue et délibérée. Les chiffres sont choquants : plus de 10 % des journalistes de Gaza ont été tué-es et 100 % des infrastructures de presse de la bande de Gaza ont été détruites.
Les données du Syndicat des journalistes palestinien-nes révèlent que les crimes de l’occupation comprennent également l’arrestation de plus de 100 journalistes à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem. Mais l’horreur ne se limite pas au nombre de détenu-es : les formes de torture physique et de terreur psychologique qui leur sont infligées sont inimaginables. Les témoignages de journalistes et d’avocat-es libéré-es, documentés par le Syndicat des journalistes palestinien-nes, décrivent des actes de torture qui dépassent l’entendement. Ces traitements sont sans équivalent dans l’histoire.
« Les témoignages des journalistes détenu-es, hommes et femmes, sont poignants », poursuit Abu Bakr. « Elles et ils parlent de coups portés avec des objets tranchants, de suspension prolongée, de déshabillage forcé, de tentatives de viol sur des prisonniers et des prisonnières, et de menaces de mort. Il s’agit d’une torture lente, pratiquée pendant des heures, des jours et parfois des mois. Voilà les conditions dans lesquelles plus d’une centaine de journalistes, censé-es être protégé-es par le droit international, ont vécu alors qu’elles et ils tentaient d’exercer leur métier. »
Abu Bakr le souligne : « Les organisations internationales ont le devoir de documenter, d’exposer et de faire connaître ces crimes. Les organes de l’ONU spécialisés dans les questions de torture et de détention sont témoins, avec le reste du monde, de l’ampleur du massacre qui se déroule sous nos yeux. Pourtant, ces organisations, y compris la Croix-Rouge internationale, n’ont pas visité les prisons ne serait-ce qu’une seule fois depuis le 7 octobre 2023, alors que les avocat-e-s palestinien-ne-s ont réussi à rendre visite à certain-e-s prisonniers-ères. Pourquoi n’ont-elles pas agi ? Qu’est-ce qui les empêche de rendre visite aux prisonnier-e-s depuis près d’un an de guerre ? »
« Quant aux rapporteur-e-s spéciales-aux de l’ONU concerné-es par ces questions, nous attendons toujours qu’elles et ils publient une déclaration sur la réalité des crimes commis à l’intérieur des cellules fortifiées et sombres des prisons, où les prisonnier-e-s sont entravé-e-s par des chaînes en fer, privé-e-s de nourriture, d’eau et de la dignité humaine la plus élémentaire. Elles et ils subissent des coups, des tortures, des intimidations et des attaques répétées de chiens policiers, dans le froid rigoureux de l’hiver et la chaleur extrême de l’été. »
Il ajoute : « Les journalistes ont enduré des souffrances que les générations futures n’oublieront jamais. Aujourd’hui, nous tirons la sonnette d’alarme, nous frappons avec force aux portes et nous demandons à la presse internationale et aux organisations de défense des droits de l’homme de faire la lumière sur ces prisons, dont beaucoup fonctionnent comme des bases militaires de l’armée israélienne. Imaginez la scène à l’intérieur de ces centres de détention : des femmes journalistes, entièrement déshabillées, les yeux bandés, battues et torturées, avec d’un côté des bruits de chiens qui menacent de les mutiler, et de l’autre un interrogateur masculin qui menace de les violer. De quelle humanité pouvons-nous parler face à une telle horreur ? Et sans doute y a-t-il eu pire encore pendant ces heures d’agonie, prolongées en journées. Nous sommes en droit de demander à toutes les organisations internationales et aux journalistes du monde entier : avez-vous jamais rencontré, dans toutes les guerres fascistes de l’histoire, de tels témoignages, véridiques et documentés ? Nous demandons à la conscience de l’humanité : où êtes-vous dans tout cela ?
Ce message est un appel à tous les journalistes du monde entier pour qu’elles et ils s’acquittent de leur devoir professionnel et humain. Ces atrocités ne visent pas seulement les Palestinien-ne-s, ni uniquement les journalistes ; il s’agit de crimes contre l’humanité elle-même. »
La question la plus importante est la suivante : pourquoi l’occupation commet-elle tous ces crimes contre les journalistes ? Bien sûr, elles et ils ne sont pas armé-e-s, et le contraire n’a jamais été démontré. Les interrogatoires ne portent pas sur les armes, mais plutôt sur leur travail journalistique professionnel.
L’histoire de l’humanité a-t-elle jamais connu un interrogatoire aussi horrible que celui d’un journaliste simplement parce qu’il fait son travail ? Il s’agit d’une torture et d’un abus systématiques visant à instaurer la terreur. L’histoire retiendra que l’occupation israélienne est l’une des plus brutales et des plus hostiles envers les journalistes du monde entier et qu’elle a commis l’un des plus grands massacres de professionnels des médias de l’histoire moderne.
Le président du Syndicat des journalistes palestiniens, Nasser Abu Bakr, déclare : « La protection des journalistes est garantie par le droit humanitaire international, le droit international des droits de l’homme, les conventions de Genève et leurs protocoles additionnels, ainsi que par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les journalistes sont considérés comme des civils et ont droit aux mêmes protections que les populations civiles. Par conséquent, l’arrestation, la torture et l’assassinat de journalistes en raison de leur travail professionnel constituent une violation flagrante du droit international et peuvent constituer des crimes de guerre. La résolution 2222 du Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée en 2015, condamne unanimement toutes les violations commises à l’encontre des journalistes et dénonce fermement l’impunité pour de tels crimes. »
Les journalistes font l’objet de crimes et d’attaques systématiques, qui se sont intensifiés jusqu’au massacre. Depuis le 7 octobre, 167 journalistes ont été tué-e-s et ces attaques systématiques visent à les empêcher de rendre compte de la situation à Gaza et dans l’ensemble des territoires palestiniens.
Outre les assassinats, 125 journalistes ont été arrêté-e-s. Ces arrestations sont survenues soit sur la base d’accusations de provocation, soit dans le cadre d’une détention administrative, où les détenu-es ne connaissent ni les charges retenues à leur encontre, ni la durée de leur emprisonnement. Amnesty International définit cette pratique comme « la détention d’une personne sans procès pendant une période déterminée sous le prétexte d’un dossier secret auquel ni le détenu ni son avocat n’ont accès ».
L’arrestation de journalistes, en plus de violer le droit international et le droit humanitaire, comporte des actes de violence, de torture physique et de terrorisme psychologique. Le Syndicat des journalistes palestiniens surveille activement les conditions de détention des journalistes, documente les crimes commis à leur encontre et publie régulièrement des rapports sur leur situation. Ces rapports sont communiqués à la Fédération internationale des journalistes et aux organisations de défense des droits de l’homme. Selon les données du syndicat, 125 journalistes ont été détenu-es depuis le 7 octobre, dont 61 en détention administrative. Parmi ces journalistes, 32 journalistes de Gaza dont 6 femmes sont toujours en détention. Cependant, en raison des conditions dangereuses à Gaza et des difficultés à recueillir des informations, il est documenté que 15 journalistes de Gaza restent en détention administrative. Le syndicat estime que les autorités d’occupation utilisent la détention dans le cadre d’une politique systématique visant à intimider les journalistes et à empêcher que la vérité soit rapportée. D’après les témoignages recueillis, il est clair que l’objectif de l’occupation est de punir les journalistes pour leur rôle professionnel et de créer un climat de peur et d’anxiété, afin de les empêcher d’exercer leurs fonctions. Bien qu’elle soit signataire de nombreuses conventions internationales, y compris celles qui protègent les journalistes – comme l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui consacre le droit à la liberté d’opinion et d’expression -, l’occupation ne respecte pas ces obligations. Les journalistes considèrent que ce ciblage systématique crée un environnement hostile à leur profession, une stratégie qui est appliquée quotidiennement à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem. Ces difficultés font peser de grands risques sur le journalisme palestinien. Pourtant, les journalistes palestinien-nes continuent de couvrir la situation avec un courage remarquable, malgré la violence, la censure, la répression, la détention, l’intimidation et les assassinats auxquels elles et ils sont confronté-es.
Les méthodes militaires utilisées par l’occupation israélienne pour supprimer la liberté de la presse remettent en cause les valeurs et les principes mêmes du journalisme libre, ainsi que la liberté d’opinion et d’expression. Ces actions remettent également en cause le droit international et la responsabilité des institutions mondiales de veiller à ce que les auteur-ices de ces crimes n’échappent pas à leur obligation de rendre des comptes.
Témoignages de détention de journalistes palestinien-nes
Traitement exceptionnel des journalistes
Les journalistes sont délibérément pris-es pour cible par l’occupation dans le but de faire taire leurs voix. Il ne s’agit pas d’une simple hypothèse, mais d’un fait, étayé par les témoignages poignants de journalistes qui ont subi de graves tortures lors de leur détention par les forces israéliennes. Des dizaines de témoignages, recueillis par le Syndicat des journalistes palestiniens, confirment que les journalistes sont soumis-es à un traitement spécifique et sévère pendant leur détention, uniquement en raison de leur profession.
C’est le cas de Diaa Al-Kahlout, directeur du bureau d’Al-Arabi Al-Jadeed dans la bande de Gaza et père de cinq enfants. Al-Kahlout a été arrêté par les forces d’occupation alors qu’il se trouvait au domicile familial, dans le nouveau quartier résidentiel de Beit Lahia. Il a été conduit de force, nu, avec des dizaines d’autres personnes, dans la rue du marché. Les soldat-es de l’occupation l’ont filmé et photographié, et ces images ont ensuite été diffusées publiquement par les soldat-es, qui l’ont humilié au milieu du marché.
Le journaliste Diaa Al-Khalout après sa libération
Notre collègue Diaa Al-Kahlout, dans une interview accordée à Al-Arabi TV après sa libération du centre de détention « Zkayim », où il a été détenu pendant 33 jours, fait part de son expérience : « Dès mon arrestation, je me suis identifié comme journaliste, espérant que les enquêteur-ices respecteraient ma profession. Au contraire, les soldat-es de l’occupation ont immédiatement pris ma carte de presse du Syndicat des journalistes palestinien-nes et l’ont cassée. Au lieu d’être traité avec respect, ma situation s’est aggravée. Plusieurs soldat-es se sont rassemblé-es autour de moi et, pendant l’interrogatoire, leurs questions portaient uniquement sur mon ‘crime’ d’être journaliste ».
Dans un autre témoignage, un journaliste de Gaza (S.F.) raconte : « Nous sommes devenu-es des cibles directes, comme si transmettre la vérité était désormais considéré comme un crime ». Un autre journaliste (A.L.) a ajouté : « Les journalistes ne sont plus considéré-es comme des observateur-ices ; nous sommes maintenant traité-es comme des ennemi-es. »
Un journaliste palestinien des territoires de 1948 (S.S.), qui a demandé à rester anonyme pour éviter les représailles, a partagé son point de vue : « Malgré la carte de presse israélienne, la discrimination entre les journalistes étrangers ou juifs et les journalistes arabes est flagrante. Les restrictions de mouvement et de travail ont atteint des niveaux sans précédent, en particulier pour les journalistes arabes et palestinien-nes ».
Le journaliste Rajai Al-Khatib, basé à Jérusalem, décrit son calvaire : « Je préparais un reportage télévisé, ma carte de presse visiblement accrochée à mon cou, et j’avais un appareil photo. Dès que je suis arrivé à Bab al-Asbat, quatre policiers israéliens se sont approchés et ont commencé à me frapper avec leurs mains et leurs pieds. L’un d’eux a crié : « Vous, les journalistes, vous êtes la cause principale de la guerre. Tout ce qui se passe, c’est à cause de vous, c’est vous qui prenez des photos et qui les diffusez ». Chaque fois que je leur disais que j’étais journaliste, les attaques redoublaient d’intensité. Un soldat m’a même dit : »Va au diable » ».
Torture dans les prisons israéliennes
Moaz Ibrahim Amarneh, photojournaliste palestinien résidant dans le camp de Dheisheh, dans le gouvernorat de Bethléem, a perdu son œil gauche alors qu’il couvrait des affrontements populaires pacifiques dans le village de Surif, au nord-ouest d’Hébron, en 2019, à la suite d’un ciblage direct par les forces d’occupation israéliennes. Le 16 octobre 2023, Amarneh a été arrêté par les autorités d’occupation.
J’avais peur de finir dans le « sac noir »
Dans son témoignage au Syndicat des journalistes palestiniens, Amarneh décrit son expérience de la détention : « Lorsque je suis arrivé à la prison de Megiddo, j’ai été victime d’une grande violence et d’une agression physique. J’ai été frappé à la tête jusqu’à ce que je perde connaissance, et après avoir repris connaissance, je me suis retrouvé face à un officier israélien qui essayait de me réveiller. J’ai demandé à être transféré à l’hôpital en raison d’une ancienne blessure à la tête et de la nécessité d’un traitement contre le diabète. Ma demande a été refusée et on m’a laissé souffrir. Pendant un moment, j’ai eu peur de finir dans le ‘sac noir’… avant de pouvoir voir un médecin pour la première fois après quatre mois ».
Le journaliste assassiné Ismail Al-Ghoul et ses collègues après leur détention
Le journaliste Ismail Maher Khamis Al-Ghoul (correspondant de la chaîne satellitaire Al Jazeera), né le 14 janvier 1997, a été assassiné par un drone israélien quelques minutes après sa couverture journalistique en direct, le 31 juillet 2024, alors qu’il se trouvait dans sa voiture portant l’enseigne de la presse avec son collègue, le photographe Rami Al-Rifi. Ils ont été tués lors d’une opération délibérée d’assassinat menée par les forces d’occupation israéliennes dans le camp d’Al-Shati, à l’ouest de la ville de Gaza.
Al-Ghoul avait déjà été arrêté par les forces d’occupation avec un groupe de journalistes lorsque l’occupation a pris d’assaut le complexe médical Al-Shifa dans la ville de Gaza le 17 mars 2024. Son épouse Malak décrit dans son témoignage au Syndicat des journalistes palestinien-nes les détails de l’agression dont son mari a été victime avant d’être assassiné : « Mon mari se trouvait avec un groupe de journalistes dans une salle du complexe médical Al-Shifa. Ils ont emmené un groupe d’entre eux dans la cour de l’hôpital Al-Shifa et les ont agressés en les frappant et en les injuriant pendant toute la nuit devant les personnes déplacées de l’hôpital ».
L’épouse endeuillée d’Ismail Al-Ghoul poursuit avec un discours plein de douleur : « Ismail ne m’a jamais révélé les détails de l’agression dont il a été victime de la part des soldats de l’occupation. Il ne voulait pas m’effrayer, mais les marques des attaques des soldat-es de l’occupation étaient clairement visibles sur certaines parties de son corps. »
Rasha Hirzallah, journaliste de la ville de Naplouse, travaille comme rédactrice en chef à l’agence de presse et d’information palestinienne « WAFA ». Elle a été arrêtée le 8 juin 2024 par les services de renseignement israéliens sur la base d’accusations liées à son travail dans les médias et se trouve toujours dans la prison de Damon, au nord de l’État d’occupation, au moment de la rédaction du présent rapport. Osama Hirzallah, le frère de Rasha, déclare à propos de son arrestation : « La famille vit dans l’inquiétude permanente au sujet de Rasha. Les visites familiales sont interdites. Même pendant le procès, on nous a empêchés de la voir, et nous ne savons rien d’elle, si ce n’est son lieu de détention ».
Nidal Abu Aker, journaliste du camp de Dheisheh près de Bethléem, âgé de 56 ans, a été arrêté à plusieurs reprises par les autorités israéliennes, au cours desquelles il a passé une quinzaine d’années en détention administrative. Il a fondé la radio « Voice of Unity » qui a émis depuis le camp entre 2012 et 2016.
Muhammad, le fils de Nidal Abu Aker, cite l’un des soldats de l’occupation lors de l’arrestation de son père : » Nous arrêtons Nidal Abu Aker parce qu’il est Nidal Abu Aker « , en précisant : « Cette confession des raisons de l’arrestation révèle que le journaliste est pris pour cible sans aucune charge. »
À propos de la nuit de l’arrestation, il déclare : » Cette nuit-là, les soldat-e-s de l’occupation ont pris d’assaut notre maison et nous ont battu-e-s, maudit-e-s et insulté-e-s, puis sont passé-e-s à l’étape de la destruction de la maison, et après avoir terminé l’assaut et la destruction, ils nous ont arrêtés, mon père et moi ».
Muhammad continue : » On nous a mis avec un groupe de détenu-es dans une cour, on nous a attaché les mains derrière le dos avec les pieds et on nous a fait asseoir sur les genoux. Quiconque tentait de lever la tête ou de bouger une jambe recevait un coup de bâton sur le corps de la part d’un des soldats. L’un des soldats a crié en arabe à l’un d’entre nous : Dit : ‘J’aime Israël’. »
La souffrance de la famille Abu Aker ne s’est pas arrêtée là. Muhammad Abu Aker raconte : « J’ai été placé dans la prison du Néguev. Pendant ma période de détention, les soldat-es de l’occupation ont pris d’assaut notre maison à plusieurs reprises et, à chaque fois, ont fait preuve de sadisme en brisant le contenu de la maison et en frappant ma mère et mes sœurs. Plus d’une fois, elles et ils ont convoqué ma mère au complexe de la colonie d’Etzion ou au (Checkpoint 300). Elles et ils m’ont menacé plus d’une fois d’assassiner mon père ».
« Comme des moutons… ils nous ont jeté-es les un-es sur les autres »
Ali Abdul Aziz Muhammad Abu Sharia, journaliste palestinien de la ville de Gaza, vivait dans le quartier de Sabra avant d’être déplacé. Il a été arrêté par les forces d’occupation israéliennes le 25 janvier 2024 alors qu’il était déplacé avec sa famille vers le sud en quête de sécurité.
Décrivant le moment de son entrée dans les centres de détention de l’occupation, Abu Sharia déclare : « Je n’avais pas de vêtements. Ils m’ont frappé sur tout le corps. Le soldat israélien m’a déclaré « Viens à moi », dès que je l’ai rejoint des dizaines de soldats m’ont battu sur tout le corps de tous les côtés. «
« Comme des moutons… ils nous ont jeté-es les un-es sur les autres », c’est en ces termes qu’Abu Sharia décrit la scène à laquelle lui et les prisonnier-es ont assisté au moment de leur arrestation et de leur transfert vers les centres de détention de l’occupation dans des camions. Il ajoute : « Bien sûr, étant donné que nous étions nus, ils nous ont jetés les uns sur les autres : » Bien sûr, comme nous étions nu-es, ils nous ont jeté-es l’un-es sur l’autre. Nous étions nombreux-ses, plus de cinquante à soixante détenu-es, les un-es sur les autres dans des camions. Je suis désolé pour l’expression, mais comme des moutons… nous avons été balancé-es les uns sur les autres… une scène qui n’a rien à voir avec l’humanité ».
Lama Ghosheh, journaliste indépendante de Jérusalem, a été arrêtée le 4 septembre 2022 et interrogée par les autorités israéliennes en raison de son travail journalistique. Elle déclare : « J’ai été menacée d’emprisonnement plus d’une fois, simplement parce que je suis journaliste ».
Lama Ghosheh et sa fille
Ghosheh ajoute : « Des milliers de Palestinien-nes à Jérusalem et dans les 48 territoires ont la « gorge entravée », car le prix des mots et de l’opinion est soit la mort, soit l’arrestation. »
Mishal Mohammed Al-Masri, journaliste palestinien de 43 ans originaire de la région de Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza, a été arrêté le 9 décembre 2023. Il raconte : » Les soldat-e-s nous ont interrogé-e-s si brutalement que cela nous était insupportable, à l’aide de matraques et de bâtons, des coques métalliques de leurs chaussures, de chiens policiers, et d’eau froide par un temps glacial, après nous avoir forcé-e-s à nous déshabiller. «
La journaliste Ikhlas Sawalhah, épouse du journaliste détenu Ibrahim Abu Safiya, a été arrêtée par l’occupation le 12 décembre 2023. Elle a déclaré dans son témoignage au Syndicat des journalistes palestinien-nes qu’elle avait été sévèrement battue par des femmes soldat-es de l’occupation après qu’elles l’aient forcée à se déshabiller.
Les forces d’occupation israéliennes utilisent délibérément des méthodes brutales lors de l’arrestation de journalistes palestinien-nes, en perquisitionnant leurs domiciles aux premières heures de l’aube, en cassant les portes et en terrorisant les membres de leurs familles. Le journaliste (A.M) a décrit le moment de son arrestation comme terrifiant, lorsque des soldats ont soudainement pris d’assaut sa maison et l’ont fouillée sauvagement, et ont fait usage de violence contre les membres de sa famille qui voulaient s’enquérir de la raison de l’arrestation. Dans de nombreux cas, les journalistes sont violemment maîtrisés devant leurs proches, puis transférés dans des véhicules militaires sans leur permettre de porter des vêtements appropriés ou de prendre leurs affaires de base.
Le journaliste (M.R), dans son entretien avec le Syndicat des journalistes palestiniens, a déclaré qu’il avait été battu et insulté pendant son transfert, où les soldats lui lançaient des insultes et le menaçaient de le torturer. Ces pratiques font partie de la stratégie de l’occupation visant à terroriser les journalistes et à les dissuader d’exercer leur métier.
La journaliste Roz Al-Zarou
La journaliste de Jérusalem Roz Al-Zarou (47 ans) a indiqué dans sa déclaration au Syndicat des journalistes que les forces d’occupation ont pris d’assaut sa maison le 9/9/2024, provoquant un climat de terreur et d’intimidation dans sa famille, en particulier chez son jeune enfant. La maison a été saccagée et encerclée par un grand nombre de fonctionnaires de la police israélienne.
Elle ajoute : « Les soldat-es de l’occupation ont confisqué toutes mes cartes de presse (palestinienne, internationale et israélienne), ainsi que mon passeport. J’ai ensuite été emmenée au centre de détention de Moscobiyeh, où j’ai passé une journée entière à subir des interrogatoires brutaux ».
Al-Zarou explique que la police d’occupation a décidé de la libérer contre une caution financière de 6 000 shekels, à condition qu’elle soit assignée à résidence pendant huit jours. » C’est au-delà de toute description… » C’est en ces termes qu’Al-Zarou a fait part de la terreur et de l’intimidation causées par le raid sur sa maison, affectant sa famille, en particulier les enfants, et lui laissant de graves traumatismes psychologiques.
Le journaliste Moaz Amarneh raconte : » Lors de mon transfert de mon domicile à la détention, j’ai été battu et menacé, et j’ai été utilisé comme bouclier humain lors de confrontations qui se sont produites en chemin. Dès mon arrivée au centre de détention, j’ai été sévèrement battu jusqu’à ce que je perde connaissance. Il a fallu quatre mois pour que je puisse voir un médecin ».
Pour ce qui est de Muhammad Nidal Abu Aker, il déclare : « En 2018, les forces israéliennes ont pris d’assaut la maison familiale et ont arrêté Muhammad et son père ensemble, où ils ont été battus et transférés dans des véhicules militaires séparément. La famille a mentionné que ces attaques se répétaient périodiquement, les forces prenant d’assaut la maison, brisant son contenu et agressant les membres de la famille, y compris sa mère et ses sœurs. »
Le journaliste Mishal Al-Masri raconte : « Nous avons été interrogés au cours des premières heures de notre arrestation, et l’interrogatoire a été brutal. Personne ne pouvait supporter les coups violents. Les soldat-es ont utilisé des matraques et des bâtons, et ils ont utilisé tous les moyens brutaux contre nous pendant l’arrestation. »
Malak, épouse du journaliste assassiné Ismail Al-Ghoul : « Ismail a été arrêté tard dans la nuit, les forces d’occupation sont entrées dans sa chambre et l’ont sévèrement battu devant tous les détenus dans la cour du complexe médical Al-Shifa. Selon des témoins oculaires, Ismail a été brutalement frappé à la tête, aux mains et aux jambes. La torture s’est poursuivie toute la nuit.
Disparition forcée et privation de visites
Les disparitions forcées et les privations de visites constituent deux graves violations des droits de l’homme auxquelles sont soumis-es les prisonnier-es palestinien-nes dans les prisons israéliennes. Ces derniers mois ont été marqués par une augmentation sans précédent des cas de disparition forcée de journalistes.
Les informations reçues par le PJS indiquent que deux journalistes de la bande de Gaza sont soumis à une disparition forcée depuis le 7 octobre 2023. Il s’agit des collègues Nidal Al-Wahidi et Haitham Abdul Wahed, tous deux photojournalistes. Les autorités d’occupation refusent de fournir la moindre information sur le lieu où ils se trouvent – comme des milliers de prisonnier-e-s arrêté-e-s dans la bande de Gaza – et refusent d’autoriser leurs avocat-e-s et les organisations internationales à leur rendre visite. Selon les témoignages, la disparition forcée accroît les souffrances des prisonnier-e-s et de leurs familles, car il devient difficile pour les familles d’obtenir des informations sur leurs conditions de vie ou leur état de santé.
Selon la Déclaration sur la protection contre les disparitions forcées, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies dans sa résolution 47/133 du 18 décembre 1992 en tant qu’ensemble de principes applicables à tous les États, il y a disparition forcée lorsque : » des personnes sont arrêtées, détenues ou enlevées contre leur volonté ou privées de toute autre manière de leur liberté par des agent-es de différentes branches ou de différents niveaux du gouvernement, ou par des groupes organisés ou des particuliers agissant au nom du gouvernement ou avec son appui, direct ou indirect, son consentement explicite ou tacite, suivi d’un refus de révéler le sort réservé à ces personnes ou l’endroit où elles se trouvent ou d’un refus d’admettre qu’elles sont privées de liberté, ce qui les soustrait à la protection de la loi « .
Privation de soins et de traitements dans les prisons d’occupation
Le journaliste Moaz Amarneh, qui souffre d’une balle logée dans la tête, parle de ses souffrances et de son besoin de soins et de traitements constants pour son état : « Après avoir été sévèrement battu, je souffrais de douleurs intenses et j’ai demandé un traitement médical à plusieurs reprises, mais l’administration pénitentiaire n’a pas tenu compte de mon état. Étant diabétique et ayant une balle de l’occupation logée dans la tête, mon état de santé nécessite un suivi permanent. On ne m’a présenté à un médecin qu’au bout de quatre mois, après une forte pression de la part de l’avocat.
Mishal Al-Masri, journaliste palestinien, raconte dans son témoignage la négligence médicale dans les prisons israéliennes : « Il y avait un médecin qui nous surveillait, mais il ne faisait pas son devoir. Nous étions attachés avec des câbles métalliques et ils portaient des taches de notre sang. Les blessures étaient traitées après plus de 4 heures, lorsque la plaie avait séché. Cela se répétait tous les jours, et la douleur était continue 24 heures sur 24, jour et semaine. »
Diaa Kahlout, un journaliste palestinien, a raconté des détails horribles sur les conditions de santé des prisonnier-es : « Ce qui est malheureux, c’est qu’il y a des enfants – de 16 et 17 ans – et des personnes âgées et malades. Je connais un détenu de 77 ans qui souffre de la maladie d’Alzheimer. J’ai été détenu avec des personnes souffrant d’un cancer et un autre blessé par une balle de l’armée d’occupation, détenus de la même manière ».
Qadura Fares, chef de la Commission des affaires des prisonnier-e-s et ex-prisonnier-e-s palestinien-ne-s, a parlé de la propagation des maladies de peau dans les prisons, en déclarant : » Le manque d’eau, en particulier d’eau chaude, et le manque de produits de nettoyage tels que le savon et le shampoing, tout cela conduit à la propagation de maladies de la peau, en particulier de la gale, qui touche plus de 60 % des prisonnier-e-s. Cette maladie est très incommodante pour les prisonnier-es, qui ne peuvent pas dormir à cause d’elle. En outre, les attaques des forces d’occupation contre les sections de la prison et les agressions contre les prisonnier-e-s causent des blessures qui, en raison du manque de propreté et de traitement, se transforment en ulcères, puis en infections et en empoisonnements. L’empoisonnement finit par atteindre l’os, et certains prisonniers, risquant la gangrène, se voient amputés d’un membre ».
L’avocat (A.J) de la Commission des affaires des prisonniers et ex-prisonniers (qui a refusé de divulguer son nom par crainte des politiques d’occupation) a confirmé que » les prisons israéliennes sont le théâtre d’une négligence médicale délibérée à l’égard des prisonnier-e-s, qui sont privé-e-s des soins de santé dont ils et elles ont besoin. Les journalistes en détention souffrent de cette négligence au même titre que les autres prisonnier-e-s. Cette négligence conduit à l’aggravation de leur état de santé et les rend vulnérables à des maladies chroniques et graves sans recevoir de traitement approprié ».
Le directeur général de la Commission indépendante des droits de l’homme (ICHR), Ammar Dwaik, déclare : » La négligence médicale délibérée est pratiquée dans les prisons de l’occupation israélienne. Les prisonnier-e-s sont privé-e-s des traitements nécessaires, et des conditions de santé graves sont aggravées sans aucune intervention médicale réelle. Cette négligence entraîne non seulement l’aggravation des maladies et des blessures, mais aussi la mort d’un certain nombre de prisonniers à l’intérieur des prisons ».
Shawan Jabarin, directeur de la Fondation Al-Haq, a confirmé que « la négligence médicale est l’un des outils de répression les plus dangereux utilisés par les autorités d’occupation contre les prisonniers palestiniens. Les autorités ont délibérément omis de fournir un traitement approprié aux détenu-es souffrant de maladies graves, ce qui a entraîné une aggravation tragique de leur état. Des cas d’amputation de membres ont été documentés en raison de l’absence de traitement approprié en temps opportun, ce qui témoigne de l’ampleur des violations flagrantes ».
La famine dans les prisons israéliennes
Les journalistes emprisonné-es, comme toutes les personnes détenues en Palestine, sont confronté-es à des conditions extrêmement difficiles, dont l’une des manifestations est un système de torture par la faim, que les autorités d’occupation israéliennes utilisent de manière systématique.
Le journaliste Moaz Amarneh, dans son témoignage au Syndicat des journalistes palestiniens, déclare avoir perdu environ 30 kilos et décrit son expérience en ces termes : « « La nourriture en prison était de pire en pire, car la quantité était très faible, et j’ai beaucoup souffert du manque de nourriture. Je suis diabétique, ce qui nécessite une alimentation particulière, mais personne ne s’en souciait. La nourriture était malsaine et parfois mal cuite. Les repas étaient distribués à dix ou seize personnes selon le nombre de personnes dans la cellule, alors qu’ils étaient à peine suffisants pour une personne ».
Ali Abu Sharia, qui a perdu pas moins de 18 kilos en 23 jours de détention, déclare : « Les repas ne nourrissent pas et ne satisfont pas la faim, à tel point que j’ai perdu pas moins de 18 kilos en 23 jours de détention. Mon poids a diminué de près d’un kilo par jour. »
Osama Hirzallah confirme : « Chaque prisonnier-e libéré-e des prisons israéliennes a perdu pas moins de 30 ou 40 kilos de son poids, en raison des mauvais traitements et de la malnutrition. »
Quant à Ikhlas Sawalhah, détenue à la prison de Damon, elle raconte sa douloureuse expérience en disant : « Lorsque je suis entrée pour la première fois dans la prison, les quantités étaient très faibles, les variétés étaient pauvres et très rares, réparties sur les jours de la semaine. Nous recevions une demi-tasse de thé par jour. Sauf le samedi, nous n’en avions pas. Quant à la confiture, c’était le mercredi. Les repas de midi se limitaient à de la soupe – parfois de la soupe d’orge – et du riz pour le déjeuner, en très petites quantités qui ne nourrissent ni ne rassasient personne ».
Ikhlas Sawalhah poursuit son récit sur la souffrance dans les prisons : « En raison de la mauvaise qualité et de la rareté de la nourriture, la plupart des prisonnières souffraient de constipation, du syndrome du côlon irritable, d’hémorroïdes et de cycles menstruels irréguliers. »
Rasha Ibrahim, épouse du journaliste détenu Dr. Mahmoud Fatafta, décrit la situation alimentaire en prison d’après ce que les compagnons de son mari dans la même cellule lui ont déclaré après leur libération : « La nourriture était peu abondante et de mauvaise qualité, un certain nombre de prisonniers préféraient rester affamés plutôt que de manger la nourriture fournie ».
Qadura Fares, chef de la Commission des affaires des prisonniers palestiniens, explique l’impact de la politique de privation de nourriture en ces termes : « La politique de famine a réduit la quantité de nourriture fournie aux prisonniers de plus d’un quart, ce qui a entraîné une chute collective du poids des prisonniers. La perte de poids moyenne est d’environ 30 à 35 kilogrammes. Il ne s’agit pas d’un accident, mais d’un résultat de la politique de privation de nourriture ».
Shawan Jabarin, directeur de l’organisation Al-Haq, ajoute : « Dans certains cas, cinq prisonniers partagent un seul œuf ou une petite quantité de labneh, qui sert de repas à 12 prisonniers. Il s’agit d’une politique de famine systématique et délibérée ».
(ICHR) : La privation de nourriture est l’une des méthodes utilisées pour torturer les prisonniers
Amar Dweik, directeur général de la Commission indépendante des droits de l’homme (ICHR), déclare : « La privation de nourriture est l’une des méthodes utilisées pour torturer les prisonnier-es dans les prisons de l’occupation israélienne. Cette privation de nourriture ne consiste pas seulement à réduire la quantité de nourriture fournie, mais aussi à fournir des aliments de mauvaise qualité et impropres à la consommation humaine. Ces pratiques visent à affaiblir les prisonniers physiquement et psychologiquement, à mettre leur vie en danger et à accroître leurs souffrances quotidiennes ».
Dans ces conditions désastreuses, la cruauté et la négligence que subissent les prisonniers palestiniens deviennent évidentes, car la politique de famine fait désormais partie intégrante des outils d’oppression utilisés par les autorités d’occupation israéliennes pour briser leur volonté et les dépouiller de leur humanité.
Harcèlement sexuel dans les prisons israéliennes
Les témoignages de prisonnier-es libéré-es et d’institutions de défense des droits de l’homme ont révélé que les détenu-es palestinien-nes étaient soumis-es à de graves tortures et à des traitements dégradants pour la dignité humaine, y compris le déshabillage et le harcèlement sexuel ou des menaces en ce sens. Les prisonnières palestiniennes sont victimes de harcèlement sexuel et d’autres violations.
La journaliste Ikhlas Sawalhah révèle dans son témoignage au Syndicat des journalistes palestinien-nes : « J’ai été fouillée nue à la prison de Ramon à deux reprises, et à Damon à cinq reprises, que ce soit à l’entrée ou à la sortie de la prison, en plus d’avoir été fouillée nue à quatre autres reprises lors d’opérations de transfert d’une prison à l’autre. » Elle confirme : » Bien sûr, toutes les filles et les femmes étaient fouillées nues, il s’agit d’une procédure obligatoire… Il y a des filles très jeunes qui ont été fouillées nues collectivement dans la prison de Hasharon. »
La journaliste Ikhlas Sawalha et son mari, le journaliste Ibrahim Abu Safieh, avant leur arrestation par l’occupant
Elle explique : « Les soldat-es de l’occupation demandent aux prisonnières de se déshabiller et, à une occasion, une soldate m’a frappée alors que j’étais nue avec sa chaussure à pointe métallique. »
La journaliste de Jérusalem Lama Ghosheh a été arrêtée et interrogée par les autorités d’occupation israéliennes.
Lama a raconté son expérience au Syndicat des journalistes en disant : « Ils m’ont placée dans une section spéciale pour les détenus criminels, où seuls les hommes sont emprisonnés, puis dans la prison de Hasharon. À cette époque, elle était réservée aux criminels, la plupart d’entre eux ayant été arrêtés pour des affaires de viol et de drogue… vous pouvez imaginer ce que cela signifie !!… »
Ces témoignages ne sont pas de simples faits isolés, mais des preuves des violations systématiques et continues dont sont victimes les journalistes palestinien-nes et leurs familles. Par ces pratiques répressives, les autorités d’occupation tentent de faire taire les voix libres qui cherchent à transmettre la vérité et à documenter les crimes israéliens contre le peuple palestinien.
Un corps face à une fouille à nu (23/10/2023)
Peinture réalisée par la collègue Lama Ghosheh pendant sa période d’assignation à résidence.
Lama Ghosheh a dessiné cette peinture pendant sa période d’assignation à résidence pour documenter l’expérience difficile qu’elle a vécue pendant sa détention. Elle explique : » Cette peinture incarne le moment difficile que chaque prisonnière traverse dans les centres de détention de l’occupation lorsqu’elle est soumise à une fouille à nu, où les prisonnières sont forcées d’enlever tous leurs vêtements sous le prétexte d’une fouille pour des raisons de sécurité par des soldates de l’administration pénitentiaire (Shabas). J’ai personnellement vécu ce moment et j’ai jugé utile de le documenter pour l’humiliation et l’oppression qu’il comporte et qui ne s’arrêtent pas avec la fin du moment, mais dont les effets se poursuivent à jamais ».
Ismail Al-Ghoul parlait ainsi de son expérience, avant d’être assassiné par Israël : » Les forces d’occupation nous ont forcé-es à nous déshabiller complètement, à nous agenouiller sur le sol et à mettre nos mains sur la tête pendant environ une heure, par un temps très froid, et nous sommes resté-es dans cet état pendant environ 12 heures, après que les forces d’occupation aient pris d’assaut l’hôpital et démoli la tente des journalistes. Nous avons été forcé-es de nous asseoir par terre, nus, et par un temps très froid, dans une pièce de la cour de l’hôpital, alors que les forces d’occupation tiraient lourdement sur les environs de l’hôpital, et malgré le fait que nous avions les yeux bandés et les mains menottées ».
Quant au journaliste Diaa Kahlout, il a raconté les détails de ses souffrances en ces termes : « Nous avons été forcés d’enlever tous nos vêtements, et nous n’avons été autorisés à garder qu’un sous-vêtement pour la partie inférieure, avant d’être transférés à la base militaire de Zkayim. »
Dans le cadre des enquêtes sur les violations flagrantes subies par les prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes, des témoignages émergent confirmant que certain-e-s prisonniers-es ont été soumis-es à des agressions sexuelles, y compris des cas de viols systématiques.
Ces témoignages mettent en lumière un aspect sombre des pratiques de l’occupation à l’encontre des prisonniers, où les violations ne se limitent pas à la seule torture physique, mais s’étendent à des violations plus graves qui dégradent la dignité humaine et visent leur humanité. Ces pratiques ne sont pas seulement des crimes contre des individus, mais font partie d’une politique visant à briser la volonté du peuple palestinien et à l’humilier de manière brutale et inhumaine.
Shawan Jabarin, directeur général de la fondation Al-Haq, souligne l’une des violations les plus dangereuses et les plus odieuses dont sont victimes les prisonniers palestiniens : » Le harcèlement sexuel et le viol font partie des exactions les plus atroces dont sont victimes les prisonnier-es palestinien-nes. Ces pratiques comprennent des agressions sexuelles directes qui vont jusqu’au viol et sont utilisées comme un moyen d’humilier les prisonnier-es et de briser leur volonté. Ces agressions sont accompagnées de graves violences physiques et psychologiques, qui augmentent les souffrances des prisonnier-es et laissent des séquelles psychologiques à long terme. Ces violences ne sont pas des cas individuels, mais reflètent une politique systématique visant à détruire le moral des prisonniers et à renforcer leur isolement ».
Dans le cadre de l’examen de ces violations, il convient de noter qu’il est possible que certain-es journalistes emprisonné-es aient été victimes d’agressions sexuelles, mais qu’elles ou ils aient refusé de le révéler pour des raisons sociales. Ces cas restent souvent non déclarés, ce qui rend difficile l’évaluation précise de l’ampleur de ce type de crimes.
Ce refus de révéler ces crimes, qu’il soit dû à des contraintes sociales ou psychologiques, ajoute un niveau de cruauté supplémentaire aux souffrances des prisonnier-es, qui souffrent en silence sans pouvoir obtenir le soutien ou le traitement psychologique nécessaire pour faire face à ces expériences horribles commises dans un contexte d’impunité totale, et restera un témoin de l’étendue des violations flagrantes dont sont victimes les Palestinien-nes, y compris les journalistes, dans les prisons de l’occupation.
Conditions de libération à la sortie des prisons d’occupation
La journaliste de Jérusalem Lama Ghosheh fait part de sa dure expérience de l’assignation à résidence : » Après dix jours, le 14 septembre, j’ai été transférée à la prison de Damon. À mon arrivée, j’ai appris la décision de libération conditionnelle, qui me soumettait à une assignation à résidence à durée indéterminée. Les conditions comprenaient une amende de 50 000 shekels et une interdiction totale d’utiliser les médias sociaux, internet, et même d’avoir des appareils comme des smartphones ou des téléviseurs connectés à un ordinateur.
Lama poursuit : » Comme je vivais à Kafr Aqab, une zone où les dispositifs de sécurité sont limités, ils ont décidé de me transférer dans la maison de mes parents à Sheikh Jarrah, une zone où les dispositifs de sécurité sont plus stricts. Mes parents à la retraite devaient être présents dans la maison 24 heures sur 24 pour me surveiller au nom des autorités d’occupation. Ils ont signé les conditions de libération, qui prévoyaient de lourdes sanctions – 50 000 shekels et une possible arrestation – en cas d’infraction, y compris ma ré-arrestation. Cette assignation à résidence n’utilise pas seulement les parents comme agent-es d’exécution, mais tente de créer un conflit au sein de la structure familiale palestinienne ».
De la même manière, la journaliste Sumaya Azzam, originaire de Naplouse et enceinte de sept mois, a été arrêtée le 5 novembre 2023 pour ses publications sur Facebook. Elle a été libérée sous la forme d’une assignation à résidence pour une durée indéterminée, assortie d’une interdiction d’utiliser l’internet. Le Syndicat des journalistes palestinien-nes a tenté d’interviewer l’un des membres de la famille de Sumaya, mais celui-ci a refusé, craignant de nouvelles mesures punitives de la part des autorités d’occupation.
La journaliste Sumaya Jawabra
Ces témoignages révèlent la politique systémique employée par l’occupation pour utiliser l’assignation à résidence comme un outil d’intimidation des journalistes palestiniens et de leurs familles. Ces mesures ne visent pas seulement à limiter les libertés individuelles, mais aussi à démanteler le tissu social des familles palestiniennes, en transformant les parents en agent-es d’exécution contraint-es de la surveillance de leurs propres enfants.
Révélations d’une source de la Croix-Rouge au syndicat des journalistes palestiniens
Une source de la Croix-Rouge a révélé au Syndicat des journalistes palestinien-nes que 8 500 citoyen-nes palestinien-nes de la bande de Gaza sont porté-es disparu-es et que le Comité international de la Croix-Rouge n’est pas en mesure de déterminer leur sort.
Cette source a ajouté que la Croix-Rouge n’a pas effectué de visites aux prisonnier-es depuis le 7 octobre 2023. Elle poursuit : « Nous avons fait beaucoup, et c’est un élément central de notre rôle humanitaire et de notre travail sur le terrain et diplomatique. Nous documentons les histoires des martyr-es et des détenu-es libéré-es, nous dialoguons avec les familles et nous aidons les personnes libérées. Nous exigeons que chacun-e soit traité-e avec dignité, conformément aux accords internationaux, y compris la Convention de Genève ».
Notre source ajoute : « Selon le droit humanitaire, l’arrestation de journalistes est une violation grave des conventions de Genève. De tels actes portent atteinte à la protection de base accordée aux journalistes dans les zones de conflit. Nous examinons actuellement ces violations en coordination avec les autorités compétentes afin de garantir la responsabilité et le respect des principes du droit international. »
Intimidation du journalisme arabe dans les territoires de 48
Un climat d’intimidation et d’abus a été, et continue d’être pratiqué par les autorités d’occupation israéliennes à l’encontre des journalistes dans les territoires ’48. Malgré des différences dans le niveau de discrimination et d’abus contre les journalistes palestinien-nes dans les différentes régions (Gaza, la Cisjordanie et les territoires de ’48), les journalistes dans les territoires de ’48 sont confrontés à des agressions et à des intimidations qui entravent gravement leur capacité à exercer leurs fonctions journalistiques. Les agressions physiques et verbales pendant les enquêtes et reportages sur le terrain sont parmi les plus importantes de ces abus. Ces attaques ont conduit à une diminution significative ou à un retrait complet du travail sur le terrain, en particulier au cours des premiers mois de la guerre d’extermination israélienne.
Le journaliste Abdul Qader Abdul Haleem, originaire des territoires de 1948, a confirmé au Syndicat des journalistes palestiniens qu’il avait cessé de travailler sur le terrain après le 7 octobre, car il y avait eu au moins 20 agressions contre des journalistes arabes et des organismes de presse, la plus notable étant l’agression du journaliste Ahmed Darawsheh
Notre collègue Abdul Haleem ajoute : » Bien que ce chiffre puisse sembler faible par rapport à ce qui se passe en Cisjordanie et à Gaza, il a un impact significatif, surtout si l’on considère que le nombre de journalistes arabes dans les territoires de 48 est relativement faible. Outre les agressions, la censure intensive, l’intimidation et les pressions exercées sur les agences qui emploient ces journalistes ont contribué à ce que les journalistes palestinien-nes des 48 territoires pratiquent une autocensure stricte afin d’éviter les poursuites, les mesures punitives ou les pénalités financières liées à leur travail journalistique. Par exemple, surtout dans les premiers mois, les journalistes palestinien-nes évitaient d’utiliser des mots spécifiques comme « occupation ».
Il poursuit : » En ce qui concerne les arrestations, il y a le cas d’un journaliste palestinien des territoires de ’48, Tariq Taha, qui a été détenu pendant des jours à cause d’un article sur le phénomène de l’armement dans les universités. Il y a eu plusieurs cas de journalistes qui ont été convoqués en rapport avec leur travail d’information et qui ont reçu des avertissements directs concernant leurs reportages. En outre, le siège du site d’information Arabs 48 a fait l’objet d’une descente et d’une perquisition avant et après le 7 octobre.
Outre les arrestations et les agressions de journalistes sur le terrain, de nombreux-ses non-journalistes ont été arrêté-es pour avoir publié des messages sur les réseaux sociaux, ce qui a conduit les journalistes à s’autocensurer et à s’abstenir d’aborder des questions qui n’auraient pas déjà été couvertes par des médias israéliens de premier plan comme Haaretz et d’autres, en particulier au cours des premiers mois.
Abdul Haleem poursuit : « Il y a un sentiment d’échec dans le soutien aux journalistes de Gaza et de Cisjordanie et dans la lutte contre les crimes commis par l’occupation à leur encontre. La solidarité manifestée par les journalistes des territoires de ’48 a été timide, notamment par une abstention de recevoir des journalistes de Gaza, en particulier dans les mois qui ont suivi le 7 octobre, ce qui constitue une forme d’autocensure. Cependant, il est clair que les crimes commis par l’occupation à l’encontre des journalistes au cours des derniers mois ont servi de leçon aux journalistes des territoires de ’48, car la protection partielle qu’offrait autrefois la carte de presse s’est considérablement amoindrie. Bien que cette protection partielle se soit quelque peu rétablie au cours des derniers mois, elle reste bien inférieure à ce qu’elle était avant le 7 octobre ».
Conclusion
Le Syndicat des journalistes palestinien-nes (PJS) observe, sur la base des témoignages de journalistes libéré-es, que les autorités d’occupation utilisent systématiquement la détention comme un outil pour intimider les journalistes, faire obstruction à la vérité et instiller la peur. Ceci est fait pour dissimuler leurs crimes et punir les journalistes pour leur rôle professionnel, en créant une atmosphère de peur et d’anxiété pour les décourager de continuer leur travail, d’autant plus qu’elles et ils font face à des menaces constantes et sévères de la part des autorités d’occupation.
En réponse, le PJS appelle toutes les organisations internationales et de défense des droits de l’homme à lancer la plus grande campagne internationale pour mettre fin au ciblage des journalistes palestinien-nes. Le syndicat demande également à la communauté internationale et à ses institutions de tenir l’État d’occupation pour responsable de sa rupture avec les valeurs de la civilisation humaine et de son mépris flagrant pour les principes et les lois des droits de l’homme universels, bien qu’il soit signataire d’accords et de traités internationaux, en particulier ceux qui concernent la protection des journalistes.
La tentative de l’occupation israélienne de créer un environnement hostile au journalisme ne réussira pas, car les journalistes palestinien-nes ont toujours fait preuve d’un profond engagement éthique et national à l’égard de leur profession. Elles et ils défendent la justice et la vérité, maniant leur plume et leur caméra avec un courage inégalé, continuant à couvrir le plus grand massacre et la plus grande agression de l’histoire contemporaine.
La suppression militaire de la liberté de la presse par l’occupation israélienne est un défi direct aux principes du journalisme libre, de la liberté d’opinion et d’expression. Elle viole également le droit international et sape le rôle des organismes mondiaux chargés de veiller à ce que les responsables rendent compte de leurs actes. La communauté internationale doit mettre fin à sa complaisance et demander des comptes à l’occupant israélien pour ses tentatives systématiques d’étouffer la vérité et de faire taire les témoins.
Traduction : JB pour l’Agence Média Palestine
Source : Palestinian Journalists Syndicate
Téléchargez la source en anglais :
Silencing-Voices-repTélécharger