Amis des arts et de la culture de Palestine

Détournons le « mur » ! Le mur comme écran de projection dans le camp d’Aïda

« Mur de sécurité » pour les uns, « mur de la honte » pour les autres, frontière de séparation, indépassable, de près de 10 m de haut en certains endroits, entourée de barbelés, confisquant aux Palestiniens une partie de leurs terres, les empêchant de circuler et de se rendre sur leur lieu de travail ou de visiter les proches restés de l’autre côté …Une fin de non-recevoir, indiscutable…

Mur

Pour nous la question était de savoir comment dépasser cette frontière, l’abolir un temps, la détourner de son usage initial pour créer une fenêtre ouverte sur un autre monde, celui du cinéma - cinéma comme l’entendait Frank Pierson : « Les films sont à notre civilisation ce que les rêves sont à nos vies individuelles : ils en expriment le mystère et aident à définir la nature de ce que nous sommes et de ce que nous devenons. »

Peinture

C’est pour cette raison que nous avons décidé, avec l’association Al Rowwad, du camp de réfugiés d’Aïda à Bethléem, d’ « instrumentaliser » à notre façon le mur pour en faire un écran de projection de films en plein air. C’est ainsi qu’un festival de films au clair de lune est né, le premier du genre en Palestine. Pendant quatre soirées consécutives et malgré les péripéties techniques, quelques grands classiques du cinéma muet ont été diffusés à la nuit tombée.

 

Au programme, des choix difficiles mais qui traitent tous de sujets universaux et dont les réalisateurs, F.W. Murnau (L’aurore), Buster Keaton (Le Mécano de la Générale) ou encore Tod Browning (Freaks) ont su évoquer de façon satirique ou dramatique les questions existentielles qui peuvent aussi faire écho aux problèmes des Palestiniens : Le Mécano de La Générale, « anti héros » d’une morale où le plus fort n’est pas celui qui gagne…La jeune épouse paysanne de L’aurore qui pardonne à son époux tenté par une citadine séductrice…ou encore les monstres de Freaks où l’humanité se révèle être du côté des exclus et des parias de la société.

Public

Le premier soir fut sans nul doute celui qui rencontra le plus grand succès : Le public, majoritairement composé d’enfants, était massé devant l’écran où était diffusé le Mécano de La Générale. Face au manque de place, les voisins se pressaient aux fenêtres pour assister à la séance. Du rire aux expressions de stupéfaction ou de peur, on pouvait lire une gamme d’émotions multiples sur les visages des enfants... Parfois, un enfant se levait, tenté de jouer aux ombres chinoises avec le vidéo projecteur ou une voiture passait - le soir où nous avons du trouvé un autre mur de projection pour cause de mariage sur notre emplacement « habituel »-…mais à chaque fois, la projection reprenait et on entendait les réactions et clameurs quand une scène se faisait plus tendue ou qu’un baiser s’esquissait…

Devant le centre

A la fin des projections, les questions et commentaires témoignaient que les films avaient pris : « Le Mécano, avec son visage tout blanc, on dirait un clown triste, il est bizarre mais très drôle … »
« C’est très spectaculaire… » « Ils avaient des moyens énormes à l’époque. Est-ce qu’ils avaient déjà recours aux effets spéciaux ? » « Est-ce qu’ils ont vraiment fait exploser un train ? »

Et la suite alors ?…Il reste un mur blanc qui ne demande qu’à servir pour d’autres projections. Nous espérons qu’après notre court passage et face à la demande des enfants, l’association Al Rowwad continuera à diffuser des films pour que le mur - si solidement ancré soit-il - ouvre au moins une fenêtre imaginaire vers d’autres perspectives. On pourrait aussi encourager les enfants à créer leurs propres images - ce qu’ils font déjà au travers d’une formation photo et vidéo mise en place par les associations Al Rowwad et Images for Life - …et leur rappeler ce commentaire de J.L.Godard « Par le cinéma, on parle de tout, on arrive à tout. »

Texte : Séverine Enjolras
Photos : Magali Bragard

Pour tout contact : severine.enjolras@wanadoo.fr et magali@polymorphe.fr



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