En premier lieu, voici Khaled : Sous ses apparences d’histrion à la mode, Khaled al Barghouti n’est pas n’importe qui. Tout d’abord, dans ce pays dont tous les plus de 15 ans ont déjà fait au moins un jour de prison, il est apparenté à l’un des prisonniers les plus connus de Palestine : Marwan al Barghouti, homme politique de la mouvance Fatah, seule personnalité paraissant d’une stature propre à réaliser la coalition avec le Hamas ; condamné par Israël à cinq peines de perpétuité et emprisonné depuis 2002. Khaled est donc un des rejetons de l’une des branches d’une vaste famille qui s’étend en étoile dans les villages qui entourent Ramallah.
Malgré cet arrière-plan plutôt lourd, Khaled, il faut bien le dire, semble avoir totalement tourné le dos à l’engagement politique. Sa vocation, c’est la danse contemporaine. Etudiant en Journalisme et Communication à l’Université de Bir Zeit, il se fait de l’argent de poche en donnant des cours de dabké, la danse traditionnelle en vigueur dans tout le pays de Sham. A côté, il fait de la danse, de la danse, de la danse ; il m’a beaucoup aidée pour préparer des animations au Centre Culturel Français pour les enfants, les assortissant parfois de petits commentaires perfides :
"Tu vois, ces enfants, ils viennent de familles riches, ça se voit. Quand ils sont mis en contact avec des enfants plus pauvres, ils le sentent tout de suite et ça ne leur plaît pas. Ma famille est très pauvre, et quand j’allais à l’école, les enfants se moquaient de moi parce que je n’avais pas çi et ça. (Parlant d’une petite en particulier, qui avait pleuré) Tu as compris pourquoi Ro’a n’était pas contente ? Parce que les parents des autres viennent les chercher en voiture, mais son père vient à pied."
Issu d’une famille très pauvre, il vit dans le petit village de Qo’bar, à une demi-heure de Ramallah.
Pour moi, ce garçon est également une source d’informations infinies sur la manière dont la catégorie "jeunesse-branchée-ramalliote" perçoit la vie quotidienne, la religion, l’occupation. Voir à ce sujet la description du concert de Dam. Autre exemple : un dialogue typique (la scène se passe à la sortie d’un magasin) :
MOI (voyant que Khaled sirote allègrement un jus de fruits chimique totalement israélien)_ Dis-moi... tu fais le boycott ? (des produits israéliens)
LUI (souriant) _ Oh... de temps en temps. Avant, je le faisais vraiment. Quand j’étais plus jeune.
MOI (interloquée) _ Ah bon, pas plus que ça ? Je pensais que c’était surtout les jeunes qui le faisaient...
LUI (rigolant franchement) _ Oh, ouais... c’est un truc que font les plus petits qui se croient à la mode. Après, ils le mettent sur le profil Facebook. Ils sont super fiers.
Actuellement, Khaled est injoignable : enfermé à l’université de Bir Zeit, il danse jour et nuit avec dix autres danseurs sélectionnés pour un atelier d’un mois, à l’issue duquel il sera peut-être choisi pour partir deux semaines en Belgique.