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La mention « colonie israélienne » obligatoire pour les aliments, selon l’avocat de la CJUE

Selon l’avocat général de la Cour de Justice de l’Union européenne, dont l’avis est le plus souvent suivi en dernière instance par les juges, le consommateur doit être informé lorsqu’un produit alimentaire provient des colonies israéliennes.

L’affaire remonte à 2016, quand le gouvernement français a publié un avis aux opérateurs économiques indiquant que les denrées alimentaires en provenance des territoires occupés par Israël devaient porter la mention « colonie israélienne » ou des termes équivalents. L’Organisation juive européenne et la société spécialisée dans l’exploitation de vignobles Vignoble Psagot, notamment présente dans ces territoires, avaient demandé l’annulation de cet avis devant la justice française.

Le Conseil d’Etat français a saisi la Cour de Justice de l’Union, compétente en dernier ressort pour interpréter le droit européen - en l’occurrence le règlement sur l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires. Ce jeudi, son avocat général Gerard Hogan conclut que la situation d’un territoire occupé par une puissance occupante « constitue un facteur susceptible d’avoir une incidence importante sur le choix d’un consommateur normalement informé » dans un contexte où, « il convient de respecter les différences de perception des consommateurs et leurs besoins en matière d’information, y compris pour des raisons ethniques ».

De l’apartheid aux colonies

De la même manière que de nombreux consommateurs on pu s’opposer à l’achat de produits sud-africains à l’époque de l’apartheid, indique l’avocat, il est possible que « dans le contexte de la politique israélienne à l’égard des territoires occupés et des colonies de peuplement », certains consommateurs s’opposent à l’achat de produits qui proviennent de ces territoires. Selon lui, « une violation du droit international constitue le type de considération ethnique que le législateur de l’Union a reconnue comme légitime dans le contexte de l’exigence d’informations sur le pays d’origine ».

Dès lors, indique un communiqué de la Cour de Justice, l’avocat général estime que « l’absence d’indication [du] lieu de provenance d’un produit en provenance d’un territoire occupé par Israël [...] pourrait induire le consommateur en erreur ».

Le droit de l’Union exige donc selon lui que pour un produit originaire d’un territoire occupé par Israël depuis 1967 « l’indication du nom géographique de ce territoire et l’indication, le cas échéant, que le produit provient d’une colonie israélienne ».

L’avocat général se forge un avis de manière indépendante et ses conclusions ne lient pas la Cour de Justice. Dans la plupart des cas, les juges suivent son raisonnement. La date de leur décision finale n’est pas précisée.

 Deux points particulièrement particulièrement importants de l’avis de l’avocat général de la Cour de Justice de l’Union européenne :

51. Selon moi, la référence aux « considérations éthiques » dans le contexte de l’étiquetage du pays d’origine est clairement une référence à ces considérations éthiques plus larges qui peuvent éclairer la réflexion de certains consommateurs avant l’achat. De même que de nombreux consommateurs européens étaient opposés à l’achat de produits sud-africains à l’époque de l’apartheid avant 1994, les consommateurs d’aujourd’hui peuvent, pour des motifs similaires, s’opposer à l’achat de produits en provenance d’un pays donné, par exemple parce que ce n’est pas une démocratie ou parce qu’il applique des mesures politiques ou sociales particulières que ce consommateur estime répréhensibles, voire révoltantes. Dans le contexte de la politique israélienne à l’égard des territoires occupés et des colonies de peuplement, il est possible que certains consommateurs s’opposent à l’achat de produits provenant de ces territoires, précisément parce que l’occupation et les colonies de peuplement constituent clairement une violation du droit international. La Cour n’a bien entendu pas pour tâche d’approuver ou de désapprouver un tel choix du consommateur : il suffit plutôt d’indiquer qu’une violation du droit international constitue le type de considération éthique que le législateur de l’Union a reconnue comme légitime dans le contexte de l’exigence d’informations sur le pays d’origine.

52. En effet, l’adhésion à des exigences du droit international est considérée par beaucoup – et pas seulement par un groupe restreint d’experts spécialisés dans le domaine du droit international et de la diplomatie – comme jouant un rôle vital dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales et un présage de justice dans un monde autrement injuste. C’est peut-être particulièrement vrai dans le contexte des citoyens de l’Union qui ont été témoins, durant toute leur vie pour certains, de l’effet destructeur de la force brute à une époque où certains pays avaient fini par croire que le droit international n’était qu’une simple promesse vide de sens aux opprimés et aux êtres vulnérables du monde et qu’il pouvait être ignoré en toute impunité.

Frédéric Rohart pour L’Echo



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